Père au foyer

{traduit de la version anglaise par: Julia C-Donadieu}

Je viens de découvrir que j’ai été publié en français dans le livre “Mon p’tit drôle” par Alain Salvary; Son livre explique qu’être père ou mère au foyer est un vai métier et que ce métier devrait être rémunéré et reconnu. Moi j’ai apporté mon témoignage en tant que père au foyer, il apparaît dans ce livre:  pages 137 à 144. Voici la version française (Click here for the English version).

Père au foyer

 Il y a des jours faciles. Les enfants sont de bonne humeur, ils se sont réveillé le sourire aux lèvres. Ils  avalent leur petit-déjeuner de bon appétit et se préparent pour l’école sans qu’on ait à répéter mille fois la même chose. Si c’est le week-end ou les vacances, ils peuvent s’amuser tranquillement pendant des heures,  je joue avec eux et nous passons de très bons moments ensemble.

Il y a aussi des jours difficiles. En particulier, les matinées d’école où aucun des deux ne veut aller. Cela se passe alors dans les larmes et la contrariété. Ce sont des disputes sans fin sur le choix du T-shirt ou pour déterminer s’il s’agit d’une ‘’journée jupe’’ ou ‘’journée pantalon’’. D’autres fois, ils s’ennuient et demandent une attention constante, ou bien se chamaillent sans cesse et l’on passe la journée à jouer les arbitres en attendant impatiemment qu’arrive l’heure de les coucher pour profiter de cinq minutes de répit avant de pouvoir s’effondrer dans son lit à son tour.

J’ai deux enfants. Gustav, un petit gars de sept ans, et Nina, une princesse rose de quatre ans. Ma femme travaille. C’est moi qui m’occupe d’eux. Moi qui les habille le matin et les amène à l’école. Moi qui prépare leurs repas ou leur fait prendre leur douche. C’est moi qui joue avec eux, les emmène ici ou là en fonction de leurs activités ou des anniversaires et goûters où ils sont invités. Je m’occupe d’eux quand ils sont malades et je gère leur vie quotidienne.

Un nouveau départ.

Pour moi, devenir père au foyer était un choix. Ma femme s’était occupée de Gustav jusqu’à ses trois ans, alors que nous vivions à Melbourne, en Australie. Je travaillais à temps plein à l’époque, plus de soixante heures par semaine, tout en restant disponible 24h/24 par téléphone pour gérer les accidents ou autres problèmes qui pouvaient toujours survenir  au sein de la compagnie de taxi pour laquelle je travaillais, une entreprise familiale. Le temps que je passais avec Gustav était limité. Je lui lisais une histoire le soir, on faisait les fous en mettant la musique à fond, on jouait à faire rouler ses petites voitures par terre. Je le déposais à la crèche quand je le pouvais, mais mon travail empiétait toujours sur ces moments-là.

L’arrivée de notre fille a été pour nous l’occasion de faire un point dans nos vies. J’éprouvais depuis déjà longtemps le besoin d’écrire. Ma femme, elle,  avait envie de rentrer en France, son pays natal. Au terme de grandes interrogations existentielles, nous avons donc décidé de quitter l’Australie et de déménager avec notre petite famille, pour commencer une nouvelle vie en France.

L’une des conditions préalables était que ma femme reprendrait le travail et que je resterais à la maison pour m’occuper des enfants et me consacrer à l’écriture.

J’étais enthousiaste face à ces nouvelles perspectives. M’occuper des enfants, les voir grandir au jour le jour, sans que mon travail bien trop prenant ne m’accapare totalement, c’était une occasion qui ne se représenterait pas, à moins de projeter d’avoir d’autres enfants ! C’était en tous les cas une expérience que je voulais vivre vraiment. Je voulais pouvoir profiter pleinement d’eux tant qu’ils étaient encore petits. Après tout, un jour ils seraient – selon toute probabilité ! – des adolescents, puis des adultes et ils n’auraient plus besoin de nous de la même façon.

J’étais impatient de ce changement de vie. Je m’imaginais que ce serait en tous les cas plus simple et plus plaisant que mes journées de boulot en Australie. Et puis, en prime, j’aurais le temps d’écrire!

Le premier jour.

Pourtant, en ce premier jour, alors que ma femme partait au travail, je me suis soudain senti envahi par diverses émotions. Une certaine inquiétude. De l’appréhension. La peur de ne pas être prêt. L’idée de rester à la maison avec les enfants nous avait paru excellente, mais maintenant que la porte se refermait et que les enfants pleuraient de voir partir leur mère, je me demandais soudain: “est-ce que je suis fait pour ça? Qu’est-ce que je vais faire s’ils pleurent? Qu’est-ce que je vais faire s’ils tombent malades? Et s’ils ont besoin de quelque chose que je ne peux ou ne sais leur donner?”

Nina avait un an. Gustav, quatre.

Un peu fébriles, Nina et moi avons accompagné Gustav à l’école. Puis nous sommes rentrés à l’appartement. Les choses paraissaient déjà plus claires. Mon travail avait commencé. Je me suis dit: “On y est, c’est bon, je vais y arriver!”

J’avais déjà bien amorcé mon premier roman et j’étais impatient de me remettre au travail. J’ai allumé mon ordinateur et je me suis installé pour écrire… Mais Nina ne voyait pas les choses de la même façon.

Elle voulait manger. Puis finalement ne voulait plus. Puis finalement, si. Ensuite, elle a eu soif. Puis elle a réclamé son doudou.

“Ça, ça, ça!” répétait-elle en pointant du doigt un verre, un stylo, un parapluie et puis finalement un jouet, que je pouvais enfin lui confier. J’ai tenté de me rasseoir.

“Maintenant, c’est bon, je vais pouvoir attaquer”, ai-je pensé.

Mais Nina a alors décidé de grimper sur mes genoux. Elle voulait jouer avec le clavier de mon ordinateur. Le problème était que nous n’avions pas exactement prévu d’écrire la même histoire, tous les deux.

J’ai finalement abandonné. J’avais besoin d’être au calme pour écrire. J’avais besoin d’être seul et Nina avait besoin d’autre chose. Mon attention. Mon attention pleine et entière.

L’une des premières choses que j’ai apprises lorsque Gustav était petit, était de me mettre à son niveau. Cela impliquait d’être à même le sol, allongé, et de le laisser m’escalader. Voir le monde de sa hauteur. Considérer mon fils non pas uniquement comme un enfant, mais comme mon égal, comme une personne, une jeune personne qui aurait besoin de ma présence et de mon soutien. J’ai souvent pratiqué ainsi avec Gustav, mais c’était le soir en rentrant du boulot ou pendant les week-ends, tout du moins lorsque mon travail ne me laissait pas sur les rotules.

Avec Nina, j’ai pris conscience que les choses allaient être différentes. Je n’étais pas avec elle uniquement les soirs et les week-ends, j’étais père au foyer! J’étais avec elle tout le temps! Il fallait que je fasse pour elle ce que j’avais fait avec Gustav, mais à temps plein. Ce que ma femme avait accompli auprès de Gustav, j’allais devoir le faire pour Nina. Mon roman devrait attendre.

J’ai donc passé mes journées au niveau de Nina, et ma fille à son tour s’est mise à m’escalader. Nous passions notre temps à jouer. Cela pouvait consister à se faire passer une pièce de Duplo de l’un à l’autre, pendant de longues minutes. Puis nous nous faisions un câlin. Nous déjeunions. Nous nous occupions du linge: je remplissais la machine à laver et Nina la vidait. Je trouvais parfois que les choses n’allaient pas assez vite pour moi. Elles prenaient plus de temps que prévu, plus de temps qu’elles n’auraient dû, à mon goût. Mais Nina était contente. Et lorsque Gustav n’avait pas école, il se joignait à nous pour se rouler par terre, pour jouer ou aller au parc. Et il était heureux, lui aussi.

Le temps.

Le temps n’avance pas à la même vitesse, pas au même rythme, lorsque l’on s’occupe d’enfants, en particulier de jeunes enfants. Aller acheter du pain au bout de la rue me prenait cinq minutes maximum, lorsque j’y allais seul. Mais Nina était encore petite et chaque sortie se transformait en un véritable voyage organisé. Elle voulait à tout prix marcher lorsqu’il aurait été tellement plus rapide de la mettre dans sa poussette. Elle exigeait de s’arrêter pour examiner chaque feuille, chaque fleur, chaque caillou et chaque insecte. Tout pouvait potentiellement constituer à ses yeux une nouvelle expérience et méritait que l’on s’arrête pour l’étudier avec soin.

A cette époque, Gustav lui aussi devenait particulièrement curieux et chaque sortie au parc impliquait d’emporter avec nous des ballons de foot, des balles de tennis, des vélos et des skateboards. Cela impliquait de s’arrêter pour regarder les poissons rouges et les grenouilles, un drôle de monsieur ou une chouette voiture.

Pour quelqu’un qui avait passé des années à tout faire le plus rapidement possible au niveau professionnel, l’adaptation était difficile! Au travail, on apprend à faire les choses de façon rapide et efficace. Avec les enfants, la question ne se pose plus au niveau de la durée mais plutôt  de la qualité du temps passé.

De nouvelles compétences.

Devenir père au foyer m’a fait acquérir de nouvelles compétences. Je sais soigner un genou égratigné. Changer une couche ou apprendre à se servir des toilettes ne me font plus peur. Je sais préparer un sac d’école en un temps record. Je peux négocier avec le plus coriace des interlocuteurs – comme par exemple une petite fille qui a décidé de mettre un vêtement rose un jour de lessive des couleurs – et  la plupart du temps, je l’emporte… Et puis je sais cuisiner!

Ah, la nourriture! La nourriture est essentielle! La nourriture apporte du réconfort! La nourriture procure du plaisir! Le fait d’être avec Nina au quotidien depuis son plus jeune âge, m’a vite appris que la nourriture était aussi du carburant. Rien de tel qu’un petit encas pour remettre sur pied une petite Nina fatiguée et grognon. Lorsque je préparais le déjeuner, Nina mangeait un peu et retrouvait son énergie aussitôt, comme par miracle. On aurait dit que je venais de remettre de l’essence dans le réservoir d’une voiture en panne sèche. Il suffisait de lui donner un peu de carburant et elle repartait pour un tour !

J’ai vite acquis le reflexe de toujours avoir sur moi un biscuit ou un morceau de pain, que ce soit lors des sorties au parc ou en ville. Lorsque nous allions faire des courses au supermarché, notre première étape était pour acheter du pain, ainsi elle me laissait faire mes courses tranquillement sans se livrer à des tentatives d’achats compulsifs qui se manifestaient par un doigt pointé autoritairement sur tout article rose ou violet en répétant:

“Ça, ça, ça!”

Mais avoir de quoi manger sous la main ne suffit pas! Ma femme et moi apprécions de bien manger. En Australie, j’étais comblé: lorsque je rentrais du travail, un bon repas m’attendait, d’autant que ma femme est bonne cuisinière! En devenant père au foyer, la responsabilité de la préparation des repas m’incombait dorénavant. Et pour le coup, ce n’était pas gagné!

Ma rencontre avec la cuisine de manière générale n’avait rien eu de prometteur. Lorsque j’ai connu ma femme, il y a quelques années de cela, le premier “repas” que je lui ai préparé était composé de pâtes trop cuites sur lesquelles j’avais répandu une boite de tomates en dés que j’avais fait chauffer au préalable avec un oignon… Celle qui allait devenir ma femme n’avait sans doute pas été totalement conquise, et rétrospectivement, je me dis que j’ai probablement eu de la chance qu’elle décide de rester quand même!

En tant que nouveau cuisinier en chef de notre famille, je devais faire mieux que cela. Je voulais faire mieux que cela!

Cela fait plus de trois ans maintenant que je suis aux commandes en cuisine et j’ai le sentiment d’avoir parcouru un long chemin depuis ce premier plat de pâtes, plutôt ordinaire. Il n’est pas toujours évident de satisfaire les goûts de tous, mais je fais de mon mieux. Cet apprentissage a aussi permis aux enfants de découvrir une certaine variété de saveurs. Ma femme et moi aimons tous les types de gastronomies, depuis la cuisine française, jusqu’à l’asiatique (et Thaï en particulier), et je retire une certaine fierté du fait que nos enfants aient des goûts aussi ouverts à un si jeune âge. Bien sûr, ils n’aiment pas toujours tout ce que je leur propose, mais au moins, ils goûtent !

Un vrai travail.

Gustav et Nina ont maintenant sept et quatre ans, et je peux dire que j’ai été auprès d’eux pendant les moments les plus importants de leur vie. J’ai été témoin des premiers pas de Nina. J’étais là lorsque Gustav a appris à faire du patin à glace ou a perdu sa première dent.

J’essaie de leur apprendre à avoir les idées larges, je leur fais découvrir des pratiques et des points de vue différents. Je fais de mon mieux pour répondre à leurs étonnantes questions.

Je leurs apprends des choses, mais eux aussi m’apprennent beaucoup. En particulier sur moi-même. Ils m’ont surtout enseigné la patience.

Pour ce qui est d’écrire, eh bien, au départ de cette expérience, ma femme avait été claire sur le fait que pour elle, mon travail principal consistait à m’occuper des enfants, l’écriture venait ensuite. Pour être honnête, je ne voyais pas les choses du même œil. Je considérais le fait de garder les enfants comme la première de mes responsabilités, mais mon travail restait l’écriture.

Après ces trois années passées en tant que père au foyer, je dois reconnaître que ma femme avait raison. Etre parent au foyer est un vrai travail à plein temps, l’écriture ne peut venir qu’en second.

Il y a des jours difficiles. D’autres sont parfaits. Mais au delà du type de journée que je passe, je dois dire en toute honnêteté qu’être père au foyer est le plus épanouissant et le plus gratifiant des métiers que j’aie eus.

Je considère que j’ai beaucoup de chance.

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One thought on “Père au foyer

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